DEVENIR CARVER
Nous avons le plaisir de vous inviter à la prochaine rencontre littéraire organisée par Auteur, lecteurs dans la ville :
Mercredi 09 décembre 2015, à 19h30
Amphithéâtre du lycée Aristide Briand
Saint-Nazaire
Nous recevrons l'écrivain Rodolphe BARRY autour de son dernier ouvrage,
une biographie romancée de Raymond Carver, publié chez Finitude :
DEVENIR CARVER
Cette soirée est gratuite et l'accès au lycée est public et ouvert à tous.
Enfin, nous terminerons cette soirée en échangeant autour de l'espace librairie,
le temps pour vous de faire dédicacer vos ouvrages
et pour nous de vous présenter la soirée du lendemain :
Jeudi 10 décembre 2015, à 20h30
salle Jacques TATI
33, Bd Victor Hugo
Saint-Nazaire
Projection suivie d'un débat du film BIRDMAN
Un film d'Alejandro Gonzales Inarritu, d'après une nouvelle de Raymond Carver.
Renseignements : 02 40 53 69 63
BIRDMAN ou la surprenante vertu de l'ignorance (2014, USA)
d'Alejandro Gonzales Iñarritu
Synopsis
L'acteur déchu Riggan Thomson, jadis connu pour avoir incarné au cinéma un célèbre super-héros, Birdman, revient à Broadway, haut-lieu de la culture intellectuelle new-yorkaise, dans l'espoir de retrouver la gloire perdue en montant une pièce de théâtre,What We Talk About When We Talk About Love (Parlez moi d'amour) écrite par Raymond Carver en 1981...
La carpe et le lapin
Ce pourrait une fable. C'est un film, Birdman, associant un écrivain américain, Raymond Carver, et un réalisateur mexicain, Gonzales Iñarritu.
On sait avec quel soin, quelle minutie Raymond Carver construisait puis élaguait, rabotait, polissait ses courts textes, un redoutable travail d'ajustage, d'orfèvrerie jusqu'à parvenir à ces miracles de précision, à ces délectables mécaniques littéraires.
On se souvient également du coup de poing infligé par Amores perros (Amours chiennes, 2000), premier long-métrage du réalisateur mexicain, avec quelle énergie, quelle exubérance, quelle efficacité, Gonzales Iñarritu façonne ses films, les élabore en bousculant espace et temps, en multipliant personnages et anecdotes au sein d'une narration foisonnante.
L'un écrivait par réductions pour capter l'essentiel, l'autre filme par fragments qui viennent se chevaucher, se fondre dans une prolifération étourdissante. Un écrivain discret, au style dit minimaliste d'un côté, un réalisateur extraverti qu'on pourrait qualifier de baroque de l'autre.
C'est tout le talent d'Iñarritu (fer de lance, en son temps, de la « nouvelle vague » mexicaine) de parvenir à intégrer à son cinéma un écrivain au style aux antipodes du sien.
On suit en effet avec jubilation les complications comico-tragiques qu'affronte Riggan Thompson, le personnage principal (imaginons Jean-Claude Van Damme décidant de monter Beckett à la Colline...), en même temps que leur mise en images sophistiquée par Iñarritu dont le film se présente comme un seul plan-séquence, une prouesse technique, un défi aux lois ordinaires du cinéma, et on ne sera pas davantage étonné de voir le héros tantôt léviter, tantôt s'envoler, tantôt disposer sur les objets de pouvoirs fantastiques, corrélés à son personnage d'ex-Birdman, en fidélité aux codes des blockbusters.
Car c'est bien avec les moyens du cinéma qu'Iñarritu parvient à nous séduire en signant ce film grand public qui ne se contente pas de quelques spectaculaires morceaux de bravoure mais développe également une thématique que ne renierait pas le cinéma d'auteur (rapport vie privée / vie publique, art / divertissement, artistes / critiques...) tout en empruntant à l'univers de Raymond Carver la traduction de rapports familiaux pathétiques et d'interrogations métaphysiques où l'émotion prime.
Nous aurions tort de bouder le plaisir que procure « Birdman » servi par une interprétation sans défaut : Mickaël Keaton (ex-Batman), acteur fatigué et homme revenu de tout, Naomie Watts, starlette fragile, Edward Norton, comédien intello à l'ego surdimensionné, et surtout Emma Stone, nouvelle égérie du cinéma de Woody Allen, fille tourmentée et touchante du super-héros, interprètes tous remarquables de personnages au bord de l'asphyxie dans ce (presque) huis-clos théâtral.
Jouant sur un autre registre que Altman et son « Short cuts » basé sur des nouvelles de Carver, mais avec intelligence et énormément de savoir-faire, Iñarritu offre là une véritable mise en abyme (et en abîme !) de son propre cinéma et une réflexion sur l'art, le divertissement et sur les rapports de couple que n'aurait pas désavouée Carver.
On en oublierait presque de préciser que le film a obtenu quatre Oscars en 2015 : celui du meilleur réalisateur, du meilleur film, du meilleur scénario original, de la meilleure photographie. Pas moins.
Autant de raisons supplémentaires de venir savourer « Birdman ».